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Déclaration de Cotonou sur la diversité culturelle
[IIIe Conférence ministérielle sur la Culture, 15 juin 2001]
1. Nous, Ministres et Chefs de délégation représentant les Etats et gouvernements ayant le français en partage, affirmons que la diversité culturelle constitue l'un des enjeux majeurs du xxie siècle.
Nous rappelons que la reconnaissance de la diversité culturelle, consacrée par la Charte de la Francophonie, constitue l'un des principes fondamentaux qui inspirent l'action de notre mouvement depuis sa fondation.
Lors du Sommet de Moncton (3-5 septembre 1999), nos Chefs d'Etat et
de gouvernement ont rappelé que les biens culturels ne sont en aucun
cas réductibles à leur seule dimension économique
et ont affirmé le droit pour nos Etats et gouvernements de définir
librement leur politique culturelle et de choisir les instruments d'intervention
qui y concourent.
A la veille du Sommet de Beyrouth consacré au dialogue des cultures
et dix ans après la Conférence de Liège, nous réitérons
notre attachement à la diversité culturelle et notre volonté
de disposer de politiques et d'instruments propres à en assurer
la sauvegarde et la promotion.
2. Forte de 55 Etats et gouvernements représentatifs des cinq continents, riche de la variété exceptionnelle de ses cultures, disposant, à côté des langues nationales, d'une langue commune, le français, la Francophonie constitue un laboratoire de la diversité culturelle. A la fois force de propositions et enceinte de concertation, l'Organisation internationale de la Francophonie entend partager son expérience originale et apporter sa contribution à la réflexion internationale qui s'engage sur l'avenir de la diversité culturelle.
3. Attachés à une conception ouverte de la diversité culturelle, nous affirmons son rôle dans la promotion d'une culture de la paix et de la démocratisation des relations internationales. Nous estimons qu'elle est seule susceptible de favoriser l'expression de la pluralité des identités et de créer les conditions du dialogue et de l'enrichissement mutuel des cultures et des civilisations, tout en permettant à chacun de s'approprier son histoire et d'accéder aux autres cultures. Nous rappelons que la diversité culturelle contribue à créer les conditions d'un développement durable qui, fondé sur des principes démocratiques de justice, de transparence et d'équité garantissant la cohésion sociale et l'épanouissement d'une identité commune, est susceptible de favoriser le respect des différences et l'ouverture aux autres, de manière à désamorcer les réflexes de repli identitaire. Nous reconnaissons les liens étroits que la diversité culturelle entretient avec la dignité humaine, les libertés fondamentales et les droits de l'homme et nous soulignons que nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour limiter la portée d'un droit reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.
4. Nous sommes convaincus qu'une mondialisation maîtrisée de l'économie peut, en multipliant les échanges et en contribuant à abaisser les coûts de production, avoir un effet positif sur la vitalité et le dialogue des cultures. Les produits culturels sont devenus une source essentielle de la création de richesses et d'emplois dans le monde. L'élargissement des marchés ouvre des perspectives de débouchés pour les créateurs. Les progrès des technologies de l'information constituent une chance de participation à la vie sociale, culturelle et économique pour l'ensemble des cultures et des langues, notamment les moins répandues.
Nous mettons en garde contre la tentation d'un repli protectionniste qui serait contradictoire avec la vocation par nature émancipatrice de la culture.
5. Nous rappelons dans le même temps que l'émergence d'opérateurs commerciaux en position dominante, liée à la convergence des technologies et au mouvement de concentration des industries culturelles, menace de niveler les particularismes culturels en marginalisant les créateurs, les producteurs et les diffuseurs culturels indépendants. Les évolutions techniques posent en des termes sans cesse plus aigus la question de la juste rémunération des auteurs et des créateurs tandis que les disparités d'accès aux matériels et aux réseaux creusent les inégalités d'expression des cultures, au détriment surtout des populations les moins favorisées.
6. Nous affirmons que les biens et services culturels, parce qu'ils sont porteurs de l'identité des peuples et qu'ils concourent à l'épanouissement des personnes, doivent faire l'objet d'un traitement spécifique. Face au risque d'uniformisation des modes de vie et d'expression ainsi que des comportements, la libre détermination des Etats et des gouvernements apparaît comme la meilleure garantie de la pluralité des expressions culturelles. L'adoption par les Etats et les gouvernements de politiques culturelles de promotion de la diversité culturelle est plus que jamais légitime et nécessaire, que celles-ci passent par des soutiens opérationnels ou par l'élaboration de cadres réglementaires appropriés, tant pour la création et la production que pour la diffusion culturelle.
7. Convaincus du bien fondé de cette approche, nous nous engageons
à étudier la mise en place et le renforcement de cadres institutionnels
favorables à la diversité culturelle, en particulier :
a) la mise en place de politiques linguistiques et de structures appropriées
favorisant le développement harmonieux de la langue française
et des langues nationales partenaires;
b) la prise en compte de la nécessaire promotion de la
diversité culturelle dans les systèmes éducatifs et
les programmes d'enseignement;
c) le développement de la diversité des médias
audiovisuels et de l'offre culturelle, la création ou le renforcement
d'instances de régulation qui en sont les soutiens ainsi que, dans
la mesure du possible, l'accessibilité du plus grand nombre aux
chaînes nationales publiques et privées et à TV5, vitrines
de la diversité francophone;
d) la mise en place de mécanismes de soutien à la création
et au développement des entreprises culturelles, et notamment la
reconnaissance du mécénat ;
e) l'interdiction, au sein de l'espace francophone, de l'importation
et de l'exportation illicites des biens culturels et le développement
de la coopération des Etats et gouvernements de l'Organisation internationale
de la Francophonie dans ce domaine; l'examen et la mise en œuvre des mesures
et initiatives susceptibles de permettre, conformément aux obligations
internationales, le retour des biens culturels illégalement acquis;
f) l'adhésion aux Conventions internationales en vigueur sur
la circulation des biens culturels, sur la protection des œuvres et des
créateurs, sur la lutte contre le vol et l'exportation ou trafic
illicite des biens culturels et l'adaptation des législations en
ce sens.
Enfin, soulignant l'importance de la diversité culturelle et linguistique dans les organisations internationales, nous sommes décidés à consolider le multilinguisme dans les enceintes dans lesquelles nous siégeons. A cet effet, nous nous engageons à y privilégier l'utilisation du français, tout en respectant l'emploi des langues officielles des Etats et gouvernements et des organisations internationales. Nous demandons au Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie de dresser annuellement un bilan de l'état de l'emploi du français dans les organisations internationales.
8. Nous décidons de mettre en œuvre, en nous appuyant sur l'Organisation
internationale de la Francophonie et ses opérateurs et en liaison
avec les acteurs culturels de la société civile, un plan
d'action en faveur de la diversité culturelle ayant pour objet de
:
a) soutenir aux plans interne et international, la diffusion et le
dialogue des cultures en favorisant leur appropriation par les populations
et en développant le savoir-faire des professionnels ;
b) faciliter la conception et la mise en œuvre de politiques culturelles
et linguistiques ;
c) consolider le rôle de la langue française et des langues
nationales partenaires en tant que vecteurs d'expression des créateurs,
de développement, d'éducation, de formation, d'information,
de communication de l'espace francophone ;
d) améliorer l'accès des créateurs, artistes,
producteurs et éditeurs de la Francophonie aux marchés internationaux
et la protection de leurs droits et faciliter les échanges entre
créateurs, étudiants et scientifiques;
e) développer les industries culturelles, les technologies de
l'information et les médias audiovisuels ;
f) instaurer une concertation permanente élargie aux acteurs
culturels de la société civile et du secteur privé.
Par ailleurs, nous réaffirmons le rôle de la diversité
culturelle dans la promotion de la paix, notamment par la concertation
entre les Etats et gouvernements, ainsi que par l'encouragement d'une réflexion
commune sur les conditions du dialogue et de l'enrichissement mutuel des
cultures et des civilisations.
9. Nous inscrivons résolument notre démarche dans le cadre de toutes les initiatives sur le sujet, notamment au sein de l'UNESCO dont nous soulignons le rôle privilégié en matière de diversité culturelle.
Nous nous engageons à promouvoir nos positions sur la diversité culturelle au sein des divers forums internationaux.
Nous estimons que, dans les conditions actuelles, la façon de préserver la diversité culturelle demeure de s'abstenir de prendre des engagements de libéralisation en matière de biens et services culturels, notamment dans le cadre de négociations d'accords internationaux de commerce, comme à l'OMC.
Nous convenons que la Francophonie doit aussi appuyer le principe d'un cadre réglementaire international à caractère universel favorable à la promotion de la diversité culturelle. Cet instrument international consacrerait la légitimité des Etats et gouvernements à maintenir, établir et développer les politiques de soutien à la diversité culturelle.
Nous encourageons toutes les initiatives de concertation et d'action commune entre les organes représentatifs des grandes aires linguistiques et des Etats et gouvernements convaincus de l'importance de cette cause.
* * *
Nous, Ministres et Chefs de délégation des Etats et gouvernements
des pays ayant le français en partage,
Adoptons la présente Déclaration;
Demandons au Secrétaire général de l'Organisation
internationale de la Francophonie d'en assurer la mise en œuvre;
Transmettons, à l'intention des Chefs d'Etats et de gouvernements,
en vue de leur neuvième Sommet à Beyrouth, le projet de Plan
d'action ci-joint.